mer 20 dec 2006

Le "Caganer" catalan, ou santon "chieur", à l'assaut des Nativités

20 12 2006

Le "Caganer", traditionnel santon "chieur" des crèches catalanes, connaît depuis quelques années un regain de popularité sous les traits des "grands" de ce monde, et s'exporte désormais hors des frontières des pays catalans. Synonyme de fertilité dans une société de tradition agricole, cette figurine de terre cuite représentant un paysan accroupi dans ses oeuvres, remonte selon les historiens à l'exaltation réaliste de l'époque baroque, au XVIIIè siècle.

Le "caganer" symbolise la nécessité d'abonder la terre pour en tirer une récolte l'année suivante", explique Jacques Deloncle, conservateur du musée du Castillet à Perpignan, "capitale" de la Catalogne française. "Mais il constitue également une forme d'irrévérence qui rappelle à tous que les hommes sont égaux devant la vie et les fonctions biologiques", ajoute cet ethnologue de formation.

Le musée du Castillet rend hommage en cette fin d'année au "caganer" à travers une exposition: les enfants doivent découvrir autour d'une vitrine la cachette de plusieurs de ces petits paysans scatologiques, dissimulés sous un pont ou au détour d'une grange, dans une traditionnelle crèche de la Nativité.

Le "caganer" est depuis quelques années la vedette incontestée des quatre plus importants marchés de Noël de Catalogne espagnole: Santa Lucia et Sagrada Familia à Barcelone, marché du sapin (Feria de l'Avet) à Espinelves (Gérone) et Sabadell.

Le renouveau irrévérencieux du personnage s'est forgé depuis une quinzaine d'années de l'atelier artisanal de santons d'Ana Maria Pla, aujourd'hui aidée de ses fils, Marc et Sergi Alos.

Ils ont actualisé ce personnage "porteur de valeurs positives" en lui donnant de nouveaux visages: diable, nonne ou policier.

Mais aussi ceux de personnages célèbres: du président américain George W. Bush, globe terrestre sous le bras, aux chefs du gouvernment espagnol José Maria Aznar et José Luis Rodriguez Zapatero, en passant par le Pape Benoît XVI et les idoles footbalistiques du Barça, comme Ronaldinho.

Parmi les créations les plus récentes, la famille royale espagnole en humble posture: le roi Juan Carlos, le prince héritier Felipe, son épouse Letizia et même leur bébé Eleonor.

Manque la reine Sofia: "peut-être pour l'année prochaine?", confie Sergi Alos dans l'atelier familial de la station balnéaire d'Estartit, près de Gérone.

Depuis deux ans, le "caganer" fait fureur: entre 20 et 40.000 figurines s'arrachent chaque année sur les marchés de Nöel, entre 8 et 12 euros pièce selon les modèles.

Mais les commandes par internet affluent également de Grande-Bretagne et des Etats-Unis. Les touristes étrangers en raffolent. Et des entreprises catalanes en commandent par centaines comme cadeaux de Noël pour leurs employés.

"L'atelier est sans dessus-dessous", témoigne Sergi Alos. "La famille entière est mobilisée pour vendre la production d'une année entière".

La meilleure des publicités vient du plaisir affiché par les principaux leaders politiques régionaux à se voir ainsi caricaturés.

Ils achètent ostensiblement leur propre figurine, comme Artur Mas, leader de Convergencia i Unio, le parti nationaliste de centre-droit (opposition), ou Josep Lluis Carod-Rovira, leader indépendantiste d'Esquerra Republicana Catala (gauche, gouvernement autonome), premier au hit-parade des "caganers" 2005.

Le "caganer" est aujourd'hui une figure de proue des arts populaires catalans. Sur les plages, il contre les produits "merdiques" pour touristes "made in China", explique fièrement Sergi Alos.